lundi 28 septembre 2015

Les Grandes Dames de " La Plume" Suite

1935 - 2004
Françoise Sagan, de son vrai nom Françoise Quoirez, est une écrivaine française née le 21 juin 1935 à Cajarc (Lot).
Elle a contribué à la coécriture de scénarios et de dialogues de films. Alors que sa vie privée défraie la chronique mondaine et judiciaire qui dépeignent « un charmant petit monstre » à la tête du « monde saganesque », elle est surtout connue pour sa « petite musique » mélancolique au ton nonchalant dans ses œuvres aux thèmes romantiques mettant en scène la bourgeoisie riche et désabusée, comme dans son premier roman, le plus célèbre,

 Bonjour tristesse  (1954) qu'elle écrit durant l' été 1954. Elle a 18 ans, le succès est au rendez-vous: un an après sa publication, 850 000 exemplaires du roman sont vendus.





En 1957, elle est victime d'un grave accident de voiture la laissant entre la vie et la mort pendant quelques jours. À partir de cet événement, elle est sujette à des douleurs qui la rendent dépendante des médicaments, de l'alcool et de la drogue. Françoise Sagan écrit une cinquantaine de romans: 30 millions de livres vendus en France, de nombreuses traductions (en 15 langues). Ses thèmes favoris sont: la vie facile, les voitures rapides, les villas bourgeoises, le soleil, un mélange de cynisme, de sensualité, d'indifférence et d'oisiveté. 
Souvent considérée comme faisant partie de la Nouvelle Vague.  
                                  
En 1958, elle épouse l'éditeur Guy Schoeller, plus âgé qu'elle de vingt ans, qui la protège depuis de nombreuses années comme un père. Elle en divorce en 1960 pour se marier deux ans plus tard avec un mannequin américain Robert Westhoff (1930-1990), dont elle a un fils, Denis Westhoff, en 1962 : « Quand on me l'a mis dans mes bras, j'ai eu une impression d'extravagante euphorie […] je sais ce que c'est d'être un arbre avec une nouvelle branche : c'est d'avoir un enfant ».
 Le couple divorce rapidement mais poursuit la vie commune avant de se séparer en 1972.                                                                                                                 
Son deuxième roman Un certain sourire, dédié à Florence Malraux, paraît en 1956. C'est à nouveau un succès. Happée par le succès et l'argent, Sagan se laisse prendre dans les rets du jeu, notamment à Monte-Carlo. Elle gagne beaucoup d'argent (en 1955, Julliard lui assurait qu'elle avait 500 millions d'anciens francs). Elle suit le conseil de son père : « À ton âge, c'est dangereux. Dépense-les ! ». Ce seront les casinos (son gain de 80 000 francs une nuit du 8 août 1958 à Deauville lui permet d'acheter le manoir du Breuil à Equemauville près de Honfleur), les boîtes de nuit (à Saint-Tropez, chez Castel, Chez Régine), les voitures de sport (Jaguar XK et Type E, Aston Martin DB, Ferrari 330 california, AX Sport), qu'elle conduit à vive allure dans Paris la nuit avec son frère Jacques Quoirez, son complice, ce que la presse appellera le « monde saganesque »... Le public la confond avec ses personnages et elle devient rapidement, malgré elle, le symbole d'une génération aisée, insouciante et désinvolte, sexuellement libérée, un James Dean au féminin. Éternelle adolescente, elle incarne un mode de vie et même une mode pour les jeunes gens avec ses jeans, ses tee-shirts à rayures (type marinière), ses espadrilles sans chaussettes.
Françoise Sagan a tout, dans ces années de prospérité de l'immédiat après-guerre, du phénomène de société
 L'Express envoie en 1960 la nouvelle révélation de la littérature française en reportage à Cuba alors qu'elle n'a que 25 ans. 

Au grand dam de l' intelligentsia parisienne, elle en rapporte un reportage visionnaire qui annonce les dérives autoritaires futures du nouveau régime castriste.

Françoise Sagan aime aussi la provocation et le risque : en 1961, en pleine guerre d' Algérie, elle signe la Déclaration sur les droits à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, qui approuve l'insoumission des appelés en Algérie (ce texte est connu également sous le nom abrégé de Manifeste des 121). En représailles l' OAS plastique le domicile de ses parents le 23 août 1961 mais heureusement l'explosion ne fera que des dégâts matériels. Bien des années plus tard, en décembre 2001, elle adressera au rédacteur en chef de Libération un fax par lequel elle rappellera qu'elle et Bernard Frank ont signé le Manifeste des 121 et elle conclura son texte par cette formule cinglante : « Ma réputation de futilité étant bien assise, je vous serais reconnaissante d'en citer à l'occasion les exceptions ».
En mai 1968, elle arrive en plein meeting étudiant au théatre de l' Odéon où on l'interpelle : « La camarade Sagan est venue dans sa Ferrari pour encourager la révolution ? » - « Faux, rétorque-t-elle. C'est une Maserati ! » En avril 1971 elle signe le Manifest des 343, plus connu sous le nom de Manifeste des 343 salopes

Elle fait don de ses droits polonais à Solidarnosc.
« Je ne suis inscrite à aucun parti politique, mais je suis engagée à gauche. Je déteste tuer, s'il y avait une guerre, je m'en irais. Où ? Je ne sais pas... Mais s'il y avait une invasion fasciste, je me battrais. Contre une cause indigne, je me battrais.»
 Françoise Sagan et François Mitterand ont fait connaissance dans un aéroport de province et ont pris l'avion ensemble. Ils se lient d'amitié et une grande complicité naît entre eux dont Laure Adler, conseillère culturelle de l'Élysée, sera le témoin. Le président aime les écrivains et l'emmènera dans ses voyages présidentiels. En octobre 1985, invitée par François Mitterrand en voyage officiel à Bogota, elle y fait, officiellement, un accident respiratoire. Tombée dans le coma, elle est rapatriée d'urgence. Le protocole indiquera que« fatiguée par le voyage, Madame Sagan a été victime du mal de l'altitude ». Plusieurs décennies plus tard, il sera évoqué qu'elle aurait pu alors être victime d'une « overdose de cocaïne ». En mars 1988, Sagan est inculpée pour « usage et transport de stupéfiants »pour 250 grammes d'héroïne et 250 grammes de cocaïne. L'année précédente toutefois, elle avait publié Un sang d'aquarelle 
qui avait désarmé une partie de la critique et que Jerôme Garcin dans son émission littéraire la Boîte aux lettres avait qualifié de « grand et beau roman qui est balayé par le cyclone de la guerre et qui est habité par des personnages puissants ».



Après la mort de son frère Jacques, en 1989, qui l'affecte beaucoup, la disparition prématurée, en septembre 1991, de Peggy Roche qui apportait de la stabilité dans sa vie est un choc pour Françoise Sagan. Pendant quinze ans, Peggy Roche avait veillé sur elle, l'avait protégée et soutenue, avait éduqué son fils Denis Westhoff. En quelques années, elle perdra également ses parents, Jacques Chazot, Robert Westhoff : son socle affectif, en somme.
Malgré la fidélité de ses amis dont Juliette Gréco et son mari, le compositeur  Frédéric Botton, la tristesse l'envahit.
Ses ennuis de santé ne lui laissent aucun répit et, si ses lecteurs la suivent, la critique l'exécute à nouveau, comme Angelo Rinaldi dans son article de L'Express du 25 août 1994 à propos de la parution de Un chagrin de passage :
« Le succès commercial de Madame Sagan est à ce point automatique désormais que la critique en vient à ne plus examiner ce qu'elle publie. Elle jouit d'une rente de situation. On dirait que le personnage malin et subtil qu'elle présente à travers ses interviews dispense à jamais de prendre connaissance de ses écrits. Il est entendu qu'elle bâcle — elle-même en convient. Et, c'est universellement admis, si elle voulait vraiment, quelles merveilles ne renouvellerait-elle pas ! Le dernier livre est-il exécrable ? Attendons le suivant. Et ainsi passent les années. Cependant, un jour on se décide à y regarder de près. Un jour, on se souvient qu'en littérature comme en amour ce sont les actes, les preuves qui comptent, et non les virtualités… »
Elle défraie la chronique mondaine et la chronique judiciaire avec les affaires de drogues en 1995 et de fraude fiscale dans l' affaire Elf en 2002. En 1991, elle avait accepté d'intervenir auprès de François Mitterrand pour le compte d'AGuelfi, un intermédiaire douteux d'Elf qui souhaite exploiter le pétrole de l'Ouzbékistan malgré l'opposition du ministre des Affaires étrangères. Son intervention auprès du Président a été couronnée de succès et elle s'attendait à recevoir une commission importante (9 millions de francs) pour financer des travaux de rénovation dans son manoir du Breuil en Normandie (incendié en 1991), commission qu'elle ne recevra jamais, selon son fils Denis Westhoff, mais en échange de son intervention, la facture de la rénovation, quatre millions de francs, est réglée par André Guelfi. Françoise Sagan n'ayant jamais déclaré cette somme au fisc, elle est condamnée en février 2002 à un an d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale et doit acquitter, avec d'importantes pénalités, l'impôt sur les revenus dissimulés grâce à ces travaux de rénovation. Elle est ruinée par sa condamnation dans l'affaire Elf et doit quitter son appartement de la rue de l' Université pour un plus petit, d'abord quai d'Orsay, puis 73, rue de Lille.
Démunie, privée de chéquier, elle est recueillie par une amie et dernière compagne, Ingrid Mechoulam, qui dans sa maison parisienne la soigne et la soutient pendant ses douze dernières années. Elle cesse d'écrire après son roman Le Miroir égaré publié en 1996.

Guillaume Durand la rencontre avenue Foch pour un livre d'entretiens : « Sa principale blessure venait de cette histoire avec le fisc. Elle se sentait coincée. Elle s'est enfermée dans un désenchantement élégant. Elle restait en pyjama, lisait les grandes romancières anglaises et écrivait au lit, sa célèbre Kool à la main. Elle demeurait pourtant pudique et coquette, se remaquillait un peu avant de me recevoir ». Ingrid Mechoulam, épouse d’un millionnaire, rachète ses maisons et ses meubles au rythme des saisies. Elle devient ainsi la propriétaire du manoir du Breuil, près d’Equemauville,
rachetée à la banque Dexia mais lui en laisse la jouissance, tout en la coupant du monde   . Sagan décline physiquement ne pesant bientôt plus que 48 kilos.
Elle meurt le 24 septembre 2004 d'une embolie pulmonaire à l'hôpital de Honfleur près de son ancienne résidence d'Équemauville. Elle est inhumée auprès de son frère, de ses parents, de son second mari, Robert Westhoff, et de sa compagne Peggy Roche dans le cimetière du village de Seuzac à quelques kilomètres de Cajarc dans le Lot. « Elle a demandé à être enterrée à Seuzac dans le Lot, le pays où elle est née, qu'elle aimait, avec une femme qu'elle a aimée (Peggy Roche)
et qui l'a aimée jusqu'au bout », confie Juliette Gréco. Françoise Sagan et Robert Westhoff partagent le même tombeau ; celui de Peggy Roche est juste à côté.
En 1998, la romancière avait rédigé son épitaphe : « Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même. »
« Je ne suis inscrite à aucun parti politique, mais je suis engagée à gauche. Je déteste tuer, s'il y avait une guerre, je m'en irais. Où ? Je ne sais pas... Mais s'il y avait une invasion fasciste, je me battrais. Contre une cause indigne, je 
me battrais."
          Notre prochaine Grande Dame "de la Plume" sera   
                             Joyce Carol Oates                   

 bien à vous !
                                                               


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